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Ce que les pilotes peuvent apporter au management d’entreprise

Le 10/10/2022


Temps de lecture : 5 minutes


Pourquoi ne pas s’inspirer des meilleures pratiques de l’aéronautique pour mettre en place un nouveau modèle d’innovation managériale ?


Rechercher des solutions nouvelles afin de répondre efficacement aux défis que pose la gestion des ressources au sein d’une organisation : voilà comment peut être définie l’innovation managériale. La manière dont les compagnies aériennes ont su gérer et réduire les erreurs humaines en est un exemple emblématique : elles ont en effet su inventer un nouveau mode de coopération entre les membres de l’équipage, le « Crew Resource Management » – soit « Formation aux facteurs humains », en français. Ce modèle consiste à repenser la pratique du leadership à travers une meilleure prise en compte des compétences comportementales. L’efficacité du modèle a notamment inspiré la formation des pompiers et des chirurgiens. Pourquoi ne pourrait-elle pas s’appliquer à celle des managers ?


L’aviation civile, secteur d’excellence

L’aviation civile est un domaine d’activité où la moindre erreur peut avoir des conséquences dévastatrices. Les technologies toujours plus sophistiquées réduisent bien entendu de façon significative les accidents. Une étude de la Nasa indique cependant qu’au moins 70% des crashs aériens résultent d’une défaillance humaine. L’étude précise que la faille ne provient ni d’une méconnaissance, ni d’une incompétence technique, mais plutôt de la difficulté des équipages à réagir et à se coordonner face à une situation inhabituelle. L’incapacité à déléguer, à établir des priorités, à exploiter les informations disponibles ou encore à communiquer les intentions et la stratégie en sont des illustrations.

Un exemple emblématique est notamment présenté par Robert Helmreich dans un article intitulé « Managing human error in aviation ». L’auteur y décrit une dynamique de groupe défectueuse tandis qu’un avion d’Air Florida, au cours de l’hiver 1982, décolle de l’aéroport national de Washington (aujourd’hui aéroport national Ronald-Reagan). La présence de glace sur un capteur fausse la vitesse indiquée sur le tableau de bord et conduit le pilote à réduire la puissance au décollage. Le copilote fait part de ses doutes et inquiétudes, mais de façon timorée, sans oser s’imposer. Résultat, l’avion cale et s’écrase sur un pont de la rivière Potomac, tuant 78 personnes, dont 4 automobilistes présents sur le pont. La situation décrite par Robert Helmreich s’avère à cet égard conforme au constat réalisé par la Nasa : la majorité des erreurs d’équipage proviennent de failles de communication, de coordination d’équipe et de prise de décision. Les compagnies aériennes se sont en conséquence tournées vers des spécialistes pour élaborer des formations adaptées.


Utiliser toutes les ressources disponibles

Les psychologues John Lauber et Robert Helmreich ont mis sur pied un ensemble de formations connues sous le nom de Crew Resource Management (CRM). John Lauber définit le CRM comme étant « l’utilisation de toutes les ressources disponibles – informations, équipements et personnes – pour réaliser des opérations de vol sûres et efficaces ». Le principe consiste à favoriser une culture du cockpit moins autoritaire, où les copilotes, tout en maintenant une hiérarchie du commandement, sont encouragés à interroger le commandant dès lors qu’ils identifient une éventuelle erreur. L’enjeu étant d’éviter, de gérer et d’atténuer les défaillances humaines grâce à une meilleure gestion des ressources disponibles au sein du cockpit.

Un exemple d’application réussie du CRM est notamment présenté dans le manuel « Social Psychology » d’un professeur de psychologie américain, David Myers. Il y analyse un vol United Airlines DC-10 reliant Denver à Chicago, en 1989. L’équipage – dont les membres ont été formés au CRM – a dû faire face une désintégration du moteur central coupant des lignes du gouvernail et des ailerons nécessaires à la manœuvre de l’avion. Tandis qu’il ne disposait que de quelques minutes à peine pour gérer la situation, l’équipage a été capable :

– d’élaborer une stratégie pour maîtriser l’avion ;

– d’évaluer les dommages ;

– de choisir un site d’atterrissage ;

– de préparer l’équipage et les passagers au crash.

L’analyse des boîtes noires témoigne que les interactions entre membres de l’équipage ont été très nombreuses. Le procès-verbal souligne par ailleurs que celui-ci est parvenu à se coordonner pour :

– impliquer un quatrième pilote présent parmi les passagers ;

– prioriser leur travail ;

– se tenir mutuellement informés des décisions et événements nouveaux.


Point important : les membres juniors de l’équipage ont librement suggéré des alternatives qui ont été prises en compte par le commandant de bord. Résultat : malgré un stress extrême, l’équipage a pu sauver la vie de 185 des 296 personnes à bord en procédant à un atterrissage forcé à côté de la piste de l’aéroport de Sioux City, dans l’Iowa.


Un avantage pour relever les défis organisationnels

Le CRM permet en résumé d’obtenir une meilleure compréhension de la situation, ainsi qu’une plus grande capacité de coordination. Et ceci grâce à une maîtrise partagée des compétences comportementales jugées clefs au sein d’un équipage (leadership et coopération, communication et prise de décision, gestion du stress et des conflits). Or de telles compétences sont également vivement recherchées par les entreprises en raison, notamment, des enjeux complexes que posent les transitions écologique et numérique. Une démarche d’excellence opérationnelle pourrait ainsi s’inspirer des meilleures pratiques de l’aéronautique afin d’améliorer le fonctionnement des organisations. Le fait d’identifier, formaliser, transmettre et mesurer un ensemble de compétences – jusqu’à présent considérées comme étant acquises ou allant de soi – pourrait en effet constituer un avantage significatif pour relever les défis de la résilience, de la sobriété et de l’intelligence collective.


Notons cependant qu’il est particulièrement complexe de maîtriser de telles compétences, dans la mesure où elles impliquent des changements significatifs dans les habitudes personnelles, la dynamique de groupe et la culture organisationnelle. Un des enjeux cruciaux du CRM consiste en effet à garantir un climat où l’autorité peut être respectueusement remise en question. Or il s’agit là d’un sujet délicat pour nombre d’organisations, notamment fondées sur une structure hiérarchique traditionnelle, où la remise en cause d’une orientation peut être assimilée à une forme de déviance. Idem pour les enjeux de coopération, de mutualisation ou encore de partage au sein de l’organisation : une telle démarche est loin d’être intuitive et implique des modifications profondes au niveau individuel et organisationnel. La maîtrise des compétences comportementales implique en effet un accompagnement de l’ensemble des collaborateurs, afin de pouvoir interroger et ajuster en profondeur les pratiques en vigueur au regard d’un objectif commun et mesurable.

Article paru dans HBR Harvard Business France


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